Inspiré de Mr Gwyn, de Alessandro Baricco

 

 

Assis par terre, il regarde la plante de ses pieds. Bien sûr on n’a pas nettoyé ici depuis des années.
Dos au mur, en pantalon de mécanicien, il regarde la plante de ses pieds.
« Tu crois que c’est simple… »
L’atelier ouvre sur une vaste cour. Elle regarde la cour, une fine chaine à la cheville. Les pointes de ses seins effleurent la vitre.
Dans la cour un jeune homme pousse son vélo. Il tourne légèrement la tête. Il la regarde. Elle esquisse un sourire. Tout est si naturel.

Torse nu, il regarde la plante de ses pieds. La poitrine se soulève.
« Tu crois que c’est simple…»

Petites lunettes cerclées, moustache cirée, un homme marche dans l’atelier. Une chaise. Il s’arrête, s’assied, tourne légèrement la tête. Par la fenêtre il regarde la cour. Il ne pose pas. Le sexe circoncis pend sur sa cuisse. En face de lui le peintre regarde la plante de ses pieds, il ne peint pas.
« Tu crois que c’est simple… »

Étendue sur le canapé fatigué, obésité juvénile, visage de madone. Elle se caresse, les yeux ouverts. Il voit le dessous des pieds de la jeune fille. Longuement, elle avait dansé entre les pages du carnet épinglées sur le parquet. Fascinante de légèreté. Le dessous des pieds. Bien sûr on n’avait pas nettoyé l’atelier depuis des années.

Elle ne pose pas. Il ne peint pas. Il regarde la plante des pieds de la fille.
« Tu crois que c’est simple… »

Les lampes se sont éteintes trois fois. Trois fois la porte s’est refermée sans un mot. Les trois modèles partis, il a peint les trois tableaux d’une seule traite.

Dans la galerie un couple va lentement d’un tableau à l’autre, s’arrête, revient.
Femme nue à la fenêtre regardée par un jeune homme au vélo.
Homme à la moustache cirée. Portrait en pied.
Jeune fille se caressant.

Les tableaux sont dérangeants, accomplis. Qu’est-ce qui est si étrange ? On aimerait infiniment être dans ces tableaux. Le couple cesse de déambuler. Ils se regardent intensément. C’est elle qui rompt leur silence : « C’est tellement simple… »
Yves