Depuis quelque temps, déjà, la Bretagne se rappelait à lui, par bribes. Des petits riens qui le faisaient tressaillir. Il se disait alors qu’il était temps d’y retourner, de réveiller ses gènes bretons, et de les laisser s’exprimer, à nouveau. Faire de la place à cette lumière si particulière, ces nuances infinies de gris et de bleu. Laisser l’odeur du goémon lui chatouiller les narines. Retrouver une certaine part d’enfance, et la laisser agir comme une marée montante. Puis reprendre le fil de la vie, et pourquoi pas la course de la vie…même s’il avait bien compris qu’il lui faudrait maintenant mieux gérer tout cela.

Il avait mené sa carrière professionnelle à grandes enjambées, sautant d’un continent à l’autre. Il avait connu le succès, et même une certaine renommée dans le monde des architectes. Il avalait tout, les différents fuseaux horaires, la pression des appels d’offre, puis celle des chantiers. Il semblait indéboulonnable. Jusqu’à ce jour de juillet où il n’avait pas réussi à sortir de son lit. Son corps, jadis d’acier, lui semblait tout d’un coup tout effrité, et ne répondait plus. Le diagnostic était tombé, implacable : Burn Out. Un corps et un esprit à marée basse, des idées sans suite qui se succédaient, une volonté dont le gouvernail ne répondait plus.

A une vie trépidante avait succédé un temps de pause obligatoire. Il ne gardait aucun souvenir des premiers temps, il se souvenait seulement que son esprit mâchouillait du gris, inlassablement. Rien n’arrivait à s’accrocher durablement dans son cerveau épuisé. Jusqu’à ce jour de juillet où sa femme, en ouvrant les volets comme chaque matin, lui avait demandé : « à quoi penses-tu ? ». A sa grande surprise, il avait répondu : « A une gorgée de bière fraîche ». Il avait ajouté, quelques minutes plus tard : « et à tout ce que je n’ai pas eu le temps de faire ces 30 dernières années ! Si on partait tous les deux, à Quimiac ? »
Dominique

Une affaire à suivre…