Novembre 2022

Chien 51, Laurent Gaudé,
Actes Sud

C’est « l’envie de se frotter à l’anticipation » qui a inspiré le thème de Chien 51 à Laurent Gaudé, une dystopie que j’ai trouvé pour ma part singulièrement troublante et dans laquelle je ne suis pas rentrée sans réticence. Il est en effet facile et inquiétant d’ identifier dans notre monde actuel les germes de l’univers imaginé par l’auteur : dérèglement climatique devenu patent, perte des libertés individuelles, société à plusieurs vitesses, les dérives de l’ultralibéralisme…

A l’origine de cette contre- utopie, Laurent Gaudé imagine qu’après sa faillite, la Grèce est achetée par une énorme entreprise mondiale, Goldtex. Les grecs sont alors exilés dans un monde privatisé, Magnapole,  dans lequel il n’y a plus de nationalité.

Les citoyens grecs y sont devenus des sortes de salariés de Goldtex, des cilariés (amalgame des mots citoyens et salariés…)

Thriller d’anticipation Chien 51 commence une trentaine d’années après l’arrivée du personnage principal, Zem Sparak, à Magnapole. Dans la cinquantaine, l’ancien citoyen grec devenu flic est amené à enquêter sur un meurtre sordide et mystérieux. On lui impose de travailler en tandem avec une jeune femme qui n’a jamais connu que Magnapole, son organisation, son ordre, ses limites.

En même temps que le récit de l’ enquête se déroule le fil de la mémoire de Sparak, mémoire d’un monde perdu qui éclaire, réminiscence après réminiscence, les circonstances troubles de son arrivée à Magnapole.

On se laisse prendre à l’atmosphère singulière installée par l’auteur et on ne boude pas son plaisir à la lecture de ce roman pourtant sombre.

Extrait :

«  Quelque chose n’était plus là. Il n’éprouvait pas de haine, ne désirait pas changer de quartier, ou de poste. Il était anesthésié. Et peut-être au fond était-ce ce qu’exigeait GoldTex. Une dissolution totale de l’individu dans le grand projet commun. N’être plus rien qu’un corps qui travaille. » (page 48)

Chien 51