C'est l'histoire...
C’est l’histoire de deux verres
De deux vers pas trop longs
Deux verres qui m’attendaient sur le bord de la table
Deux vers vides, vides de sens que je gommais rageusement
Du cristal ? Non, transparents, je n’ai rien à dire et j’enrage
Boire dans ces verres, dans les deux à la fois, champagne-alexandrins, alexandrins- champagne
Rien ne rime et j’attends patiemment qu’il arrive qui partagera dans un rire les bulles de ma belle bouteille.
Sabine
Slamer l'éphémère...
ÉPHÉMÈRE
Ce n’est pas au sommaire
Juste dans l’atmosphère
Crise de nerfs
Fantôme en colère
Cœur grand ouvert
Déclenche la guerre
Destin trop sévère
Réfute les règles d’hier
Contemple tes galères
Au lendemain, espère
Un réveil moins amer
Le monde à l’envers
Eliminer le père
Sans épouser la mère
Ou le contraire
Ne plus se taire
Ne plus avoir à faire
Vivre libre sur terre
Parmi tes sœurs et frères
La joie de l’éphémère
Elisabeth
Frileusement...
Frileusement, un amandier en fleurs
Encore un peu de patience...
Vacances blanches
Routes engivrées au petit matin blafard
Invitation au réveil
Entre d'eux
Retour des bavardages sur les branches nues
De la fenêtre, l'amandier en fleurs se dresse, solitaire, frileux, dans l'air transparent. Encore un peu de patience... Les premiers signes émergent doucement, premiers signes d'une vigueur renouvelée. Mais c'est encore le temps des vacances blanches, des montagnes enneigées où se pressent de minuscules silhouettes noires, glissant sur leurs flancs majestueux. J'aime le silence des routes engivrées dans le petit matin blafard. Bientôt la douce chaleur du soleil caressera les feuilles engourdies, comme une invitation au réveil. C'est comme un temps suspendu. On dirait que l'hiver ne finit pas d'en finir, et pourtant, il est déjà derrière. Encore un peu de patience, l'entre deux demande du temps avant d'entendre le retour des bavardages dans les branches nues.
Caroline
Logorallye
Etre au monde. Rester debout, l’œil grand ouvert
Au moins un instant, face au soleil.
Avant qu’il ne décline.
Une fois encore, voir et toucher ses petits seins.
Le grand frisson pour certains
Le début de la fin pour d’autres.
Ton allure, quand tu marches juste devant
Et que je peine à te suivre
Sans courir
Nous n’irons plus au bois
Il n’y en a plus
Juste du papier, des papiers
Sauf pour les sans… ceux dont personne ne veut
Pas plus au crépuscule qu’à l’aube
Bientôt ce sera l’été
La chaleur adoucira- t-elle ton inquiétude ?
Tu dis que la nature te réconforte
Va donc te promener sur les cimes
Prendre un peu de hauteur et respirer
C’est tout
Et de nouveau le voyage.
Loin du pays de la mélancolie dont tu connais pourtant
Certains remèdes.
Je partirai, vois-tu…
Révélation, rêver l’action
Et ce mot imprononçable : « Nabukodi… »
Le répéter cinquante fois, comme une punition
Ou un exercice de diction
Temps de chiens ! Tiens donc…
Si on se faisait une tisane ?
Un sachet d’humilité à la sauge ou au romarin.
Qu’en dis-tu ? Dis, poupée de cire…
Tu dis non
Tant pis.
Je boirai seule. Rituel sensoriel en solo.
De toute façon je ne t’aime plus
En cette minute précise de mars, je déclare que
Voici venue la première minute du reste de ma vie.
Djamila
Odeurs de mon pays
Riedisheim
Je ne sais pas si je me sens vraiment appartenir à une région, mais quand j’interroge les souvenirs liés à mes perceptions olfactives, c’est toujours la maison et le jardin de mes grands parents à Riedisheim qui reviennent.
Odeur confinée des meubles et du parquet régulièrement cirés et frictionnés. Odeur envahissante de la soupe de légumes qui mijote dès le matin même en été. Odeur des tartines du gros pain fraîchement coupé.
Odeur du journal que mon grand-père plie, déplie et replie. A peine la porte passée c’est l’émanation forte, confuse et chaude du grenier qui est là.
Puis c’est le craquement des marches en descendant qui libère un parfum subtil.
En bas la grande et lourde porte s’ouvre sur le jardin, et là embrasement, fouillis des senteurs et dilatation des narines !
En avant du tableau des odeurs quelques moutons derrière la clôture. A chaque déplacement ils envoient leur présence en rubans aléatoires que mon nez animal flaire avec délice. Il n’y a qu’ici que je retrouve cette empreinte animale si particulière.
Puis c’est la putréfaction des fruits tombés et abîmés qui se révèle, quetsches, mirabelles et pommes. Plus délicate la senteur de l’herbe foulée, fraîchement mouillée ou sèche et que je respire à pleins poumons dans mes déplacements vagabonds.
Qu’est ce qui a fait que dans ce jardin, toujours aussi présent, j’ai le souvenir d’avoir ouvert mes sens ? J’y ai bu chaque son, chaque image, chaque sensation, chaque odeur et me suis laissé envahir par les humeurs de la vie dans ce qu’elle a de plus réconfortant.
Françoise, janvier 2019
,
Odeurs de ma ville
Non je ne me souviens plus des odeurs de l’Afrique, du Liban, celles dont je me souviens émanent de ce lieu où je vis maintenant. L’odeur de quelques parcs, ilots de verdure, ponctués d’espèces dignes de jardins botaniques L’odeur de la mer, des embruns, sur une plage déserte, dans le petit matin. L’odeur de la pêche sur la criée du port, poissons frétillants, crustacés ruisselants, avant que ne se vident les étals débordants. L’odeur des épices, leur mélange de couleurs qui expriment leurs puissants arômes venus de rives lointaines. Et les herbes de Provence fruitées et apaisantes qui imprègnent nos plats du Sud proche, en deçà de la mer. Et les odeurs humaines, amalgame de sueurs fortes et parfois repoussantes. Odeur d’urine des hommes, des hommes de la rue, SDF, mal logés. Odeurs de poubelles ouvertes, de containers éventrés. Relents entêtants dans la chaleur de l’été. Autant de signifiants d’une ville appauvrie. Et l’odeur des grenades, grenades lacrymogènes quand la ville se révolte contre son mal à vivre. Restent enfin les collines et les crêtes des calanques, qui sertissent la ville, leurs odeurs de broussailles, de garrigue, de pins ou même d’oliviers selon où l’on chemine.
Souvenirs et empreintes des senteurs de Marseille, ma ville, mon pays, où s’entremêle le monde.
Lili, janvier 2019
Le bruit que fait le monde
Ecoute… Ecoute l’haleine de la terre qui hante ses soupirs. Je voudrais être là sans rien avoir à dire. Sans avoir à sourire. Être là, simple balancement dans les exhalaisons d’humus. Ecoute cette soie qui glisse et qui lape son ventre. Ecoute les oscillations végétales dans le vide du silence, dans le néant léger. Ecoute le souffle des cerises sures tombées sur le sentier, l’expiration putride des amanites pourries, une gifle au sourire, une insulte à la nuit. Ecoute… je voudrais être là sans rien avoir à dire. Yves, Octobre 2018
Des formes et des sons
Soirées entières
Banquette étroite
Deux chambres, pâle
Son visage, ses mains
Contre la paroi
Tu l’entends sortir
Pour atteindre sa fenêtre
Ou son lit, ou ses armoires
La bassine de plastique rose
Il ne reçoit jamais personne
Il est un homme d’habitudes
Il quitte sa chambre même le dimanche
Il offre aux badauds des grands boulevards
Sa valise ouverte, bouton et bague
Fonctionnement inconnu, primitif
Rien n’empêche, dans un but que tu ignores
Qu’il n’ouvre et ne ferme comme la goutte d’eau
Les bruits de la rue, que tu interprètes
Avec sa valise, peignes, briquets
Il vit condamné à tousser
S’écoule, la vie qui demeure
Tu fais si peu de bruit
Mais qui ne cesse jamais
Attentif il a peur
Rester silencieux
Un bruit minuscule
Sympathie secondaire
Ou au contraire
Frappant du pouce
Un coup, deux coups...
Laurence