L'intruse, janvier 2016

J'étais là, à rêver, allongée sur l'herbe fraîchement coupée et qui distillait cette odeur particulière : une fraîcheur acide, un peu enivrante.
J'étais grisée, peut-être était-ce la raison de ce terme qui surgissait, sans explication apparente, dans ma demi-somnolence.
Vocable sacré, sacralisé auquel nous nous attachons et qui nous rattache aux autres.

Je me dis: " Faisons un examen de conscience.  Suis-je marquée par telle ou telle famille ? Laquelle ?"

Ce groupe là est bien structuré autour de la mère. Certains penseront que j'évoque la « mama », ce personnage typique et fort du Sud de l'Italie. En fait, Angelina est l'émanation, la quintessence de toutes les mères du pourtour méditerranéen. Avec sa petite taille, elle les domine tous : mari, enfants, petits-enfants, frères, sœurs, nièces, neveux, parents, alliés et amis. Elle ne semble pas commander mais tous lui obéissent. Les services qu'elle demande, et Dieu qu'ils sont nombreux ! sont perçus comme des aides, quasiment des cadeaux. Etrange situation…
Elle n'a pas son pareil pour organiser les réunions familiales. C'est chez-elle, et pas ailleurs que le ban et l'arrière ban se plongent dans cette « marmite » où bouillonnent l'affection, l'amour, tous les bons sentiments. Elle s'est rendue indispensable : elle gère la vie des siens tambour battant.
Combien de fois s'est-elle mise en quête d'une épouse pour son fils divorcé ? 1, 2, 3 plusieurs fois, je pense, et choisies selon certains critères : bien nanties, travailleuses, dociles... entre autres.
Ces couples artificiels fonctionnaient pendant quelques temps puis s'essoufflaient et disparaissaient.

Jusqu'au jour où le fils est arrivé avec la femme de son choix. Lassé, peut-être, par l'omniprésence de sa mère, mais, et cela semble plus
vrai, ensorcelé par la rayonnante Lisbeth. Les coups de foudre existent. Elle est apparue, un beau jour, si différente physiquement des jeunes femmes présentées par sa mère, des brunes de cheveux et d'yeux, sans signe particulier et, intellectuellement bien au-dessus de ces dernières.
Lisbeth c'est le blé doré des cheveux et l'azur du regard, le sourire permanent de celle qui assure.

Très vite, le fils lui a ouvert sa maison. Le grand piano, elle est une très bonne musicienne, a trouvé le premier, sa place, dans le séjour et les autres meubles n'ont pas tardé à suivre.
La maîtresse de maison, c'est elle, désormais.
Angelina n'a pas résisté très longtemps ; elle avouait sans avoir l'air de rien « Lisbeth c'est une main de fer dans un gant de velours ».
Limogée, répudiée, Angelina peu à peu a cédé du terrain. Elle n'a plus ses entrées libres dans la maison de son fils. Sa bru, car le couple a officiellement convolé, l'invite à l'occasion.
Un bourdon tourne autour de moi, son vol et son vrombissement m'agacent, ma pensée s'effrite...
Josette