Echauffement

On les emploie comme on respire ces expressions toutes faites, clichés familiers... avant d'en faire un texte " mise en bouche":

 

Ça sent l’arnaque ! L’homme est trop sympathique, ses propositions sont trop alléchantes. Je ne crois pas à cette procédure si rapide sur son site Internet. Mais il m’a dit qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien, quelques clics ne coûtent rien, on peut de toutes manières aller voir sur l’écran ; il ne faut pas en faire un fromage, une simple consultation, c’est tout !

Assis devant l’ordinateur, on entend voler les mouches dans cette pièce. Pour accentuer le silence, j’ai même enfoncé dans mes oreilles deux boules Quiès 
et j’ai allumé.

Mais ma bécane, c’est un canard boiteux. Il faut attendre la connexion au réseau et subir quelques messages imprévus. Pour jeter de l’huile sur le feu, une alerte au piratage s’affiche sur l’écran.

Cela fait près de deux ou trois minutes que j’attends. Je vais battre le fer pendant qu’il est chaud. Je clique. L’étrange lucarne reste noire. Comme un cheveu sur la soupe, mon téléphone se met à sonner. Je l’entends à peine. J’attrape l’appareil, un numéro inconnu s’affiche. Le temps de regarder, l’appel est interrompu.

Finalement, je n’en suis pas mécontent. Si le type set correct, il m’aura laissé un message. Je vais attendre un petit peu, me garder une poire pour la soif.

De toute façon, j’attends toujours cette fichue connexion. Enfin, quelque chose apparaît. C’est le dernier courrier que j’avais rédigé. Pourquoi ne s’était-il pas fermé ? Je le sauvegarde et reviens à la page d’accueil. On n’a pas beaucoup avancé.

Je clique à nouveau sur l’icône Google. Un petit cercle bleu se met à tourner lentement. J’ai le temps de consulter ma messagerie téléphonique. Je suis sûr que c’est encore ce type qui vient me jeter de l’huile sur le feu : « Il n’y a pas de mal à se faire du bien, quelques clics ne coûtent rien… ». C’est vraiment la fin des haricots !
Gérard

 


Hors champ

 

Hors champ...

 

 

Hors champ: C'était le thème de cette semaine de rentrée, dans les Alpes de haute Provence, du 7 au 11 septembre 2021. Hors champ sensible, au plus près de l'actualité parfois:

 

On dirait un champignon atomique, comme à Hiroshima. La photo publiée dans le journal semble être une image d’archives. En regardant de plus près on entrevoit la cote. Oui, c’est bien Beyrouth, là, sous ses yeux. Toujours en première page, d’autres photos, plus petites. Elles montrent en détails les ravages de l’explosion : le silo amputé, les façades soufflées, les immeubles effondrés, l’amoncellement des décombres, le vide provoqué par le souffle, des corps de victimes. La photo à la Une parait irréelle, démesurée par rapport à la taille du pays.

Hors champ, au téléphone, le récit des amis disent le silence des images. Jamileh, qui habite à 70 km, a entendu un sifflement avant l’explosion ; elle a pensé à un bombardement par les voisins du sud, comme avant. A 10 km au dessus de capitale,  Vera a senti son immeuble trembler ; elle a d’abord cru à une explosion due à une collision entre camions. Boutros lui, a vu toutes vitres alentour s’effondrer. A Achrafieh même, le magasin de Tony a été pulvérisé, les employés étaient rentrés chez eux un quart d’heure auparavant.

De retour à Marseille, Joumana parle, sa voix est lasse, triste. Elle raconte ce qu’elle n’a pas réussi à exprimer à distance. Son arrivée à Beyrouth quelques heures après l’explosion, l’aéroport en partie éventré, les nouvelles de sa famille, sa cousine décédée, son cousin gravement brulé, seul survivant d’une dizaine de copains qui travaillaient ensemble sur le port. C’était le 4 août 2020.  

Lili