Printemps des poètes 2017, couleur Afrique(s)

affiche 2017

Quelques bouquins sur l'Afrique, prêtés, empruntés, de belles photos, paysages, hommes, femmes, enfants...
Choisir une photo, un document qui vous inspire, et partir en roue libre le temps d'un récit aux couleurs du continent africain.

Narration à partir du dessin « les margouillats à la broche » / Carnet d’Afrique, JANO,
Les Humanoïdes Associés

La nuit tombe
Et, déjà, le margouillat pompe.
La nuit tombe d’un coup
Et le margouillat allonge le cou.
Il y a toujours un margouillat qui pompe sur les murs d’Afrique.
Le margouillat, c’est l’aérosol, la bombe
Anti-moustiques d’Afrique.
La nuit tombe,
Les bruits montent, s’élèvent.
Des bruits plein de couleurs,
Plein d’odeurs et de saveurs,
Des bruits qui vous enveloppent.
Les feux s’embrasent dans les concessions.
Les femmes s’affairent,
Les hommes discutent,
Le Sage est sage.
Les zémidjans, pétaradant, n’ont pas cessé d’aller, lumière vacillante ;
Quand ils ont de la lumière…
Le zémidjan, la mobylette bleue façon made in china,
Le transport en commun,
Treizième mois des policiers racketeurs.
Il faut bien vivre…
Et pendant ce temps-là, le margouillat pompe encore.
Jean- Claude


Sokey Edorh
Ma maison dominait la sienne, une maison en tôle, entourée de bric-à-brac.
Je m’approche doucement, discrètement, curieuse : le voir, l’entendre, ses enfants et des pots de
 peinture partout. C’était calme.
Une femme, sa femme, préparait le repas. C’est ce que je me dis.
Les enfants jouaient et un homme, 40 ans, la peau noire brillante, me regardait.
Grand, beau et, surtout, ancré dans le sol, épaules souples. Rien dans son regard de méfiant,
d’interrogateur.
Entrez !
Je suis entrée sans crainte.
Je suis peintre et poète, voulez-vous visiter mon atelier ?
Oui, merci.
Des tableaux, qui ont accrochés mon regard. Je ne pouvais plus regarder ailleurs.
Il peignait sur de la toile et le fond était un mélange de latérite.
Silence.
Il parle : « La latérite est ma terre ». C’est leur terre.
Mon regard se porte sur un tableau et, avant ma question, il me dit : « Ce sont les pas des femmes
qui dansent, qui chantent, qui pleurent. Leurs pas sont gravés dans la latérite. La base de mes tableaux, 
c’est la latérite sur toile ».
Un autre tableau, des jumeaux derrière des barreaux : la prison.
Si vous privez une famille de ses enfants, surtout si ce sont des jumeaux, vous la conduisez à la
mort.Je peux vous les acheter ?
Marie


Femmes d'Afrique
 Les deux jeunes femmes rient au bord du fleuve. Leurs enfants jouent dans l’eau, s’éclaboussent,
 garçons d’un côté, filles de l’autre. Les deux jeunes femmes ne sont pas sœurs mais co-épouses
d’un homme, Tchéba, qui aujourd’hui, se marie pour la troisième fois. La petite est jolie, c’est sûr.
 Mais si jeune. 14 ans à peine. Pourra-t-elle supporter les corvées, les travaux des champs ? Et ses
 hanches sont bien étroites pour accoucher, dans neuf mois, n’importe où, avec elles deux comme
 sages-femmes. Elles rient. Ce sera si facile de lui rendre la vie dure. Jusqu’à ce jour ennemies, elles
 se sont liguées spontanément contre l’intruse. Après tout, dit la première épouse, elle ne sera que 
la troisième. On le lui fera payer. Nos enfants nous aideront à la malmener.
Elles ont pourtant revêtu leurs plus beaux boubous, et feront la fête, comme si de rien n’était. Le
dimanche à Bamako, c’est le jour du mariage. Mais lundi, elles vérifieront que la gamine, excisée
comme elles, était bien vierge. Et a autant souffert qu’elles.
Elles rient.
Fab