Ecrire... à partir d'un incipit

Deux phrases de JMG Le Clézio pour démarrer:

 

J’étais dans la rue. Je ne savais pas où j’allais. Comme dans un rêve, j’entendais le bruit de mes pas. J’entendais le moteur des voitures. C’était ailleurs, c’était quelqu’un d’autre qui marchait. C’était peut être à cause de ce qui avait changé en moi, et qui était nouveau. (J. M. G. Le Clézio) .
La nouveauté c’était Annabelle. Je l’avais rencontrée pour la première fois à une réception chez des amis. Elle était belle Annabelle, mais pas seulement. Souriante, gaie, accessible… des qualités qui ne m’ont pas laissé insensible. Je n’ai pas osé l’approcher autant que j’aurais aimé.
J’ai pensé qu’elle ne pouvait être qu’accompagnée dans la vie. Quelques mois plus tard, je l’avais croisée dans la rue. Contre toute attente, elle m’avait reconnu et salué. Je m’étais hasardé à lui parler. Elle m’avait écouté en souriant puis chacun s’en était allé de son côté.
Son image m’obsède, j’aimerais tant la conquérir.
Et si elle était libre ?
Pierre

 

 


Ecrire... à la manière de...

A la manière de Dominique Sampiero...

 

C'est une belle soirée d'été. Elle est installée sur sa terrasse, allongée sur sa balancelle. Elle a rendez-vous avec l'homme qui sera peut-être l'homme de sa vie. Elle se balance, nonchalante. Autour d'elle tout embaume...les fleurs d'hibiscus, de plumbago, de jasmin. Elle est fière de ses plantations. Ces senteurs l'incitent à la rêverie.
Elle se balance, s'enfonce de plus en plus dans les coussins, tellement moelleux. Elle étale son épaisse chevelure blonde tout autour d'elle.
Elle se balance, une légère brise éparpille ses mèches folles. Un concert d'oiseaux, l'approche de la nuit les enivre aussi. Ils vont et viennent en un inlassable tourbillon.
Elle se balance. Au loin les lumières de la ville apparaissent : scintillement, éblouissement. Le ronronnement des voitures. On est vendredi soir, tout est permis. Adieu les contraintes, l'heure n'existe plus.
Elle se balance, elle se sent prise d'envie de liberté. Et s'il ne venait pas, quelle importance. Ils se sont déjà tout dit, c'est lui qui choisit... Un air doux lui caresse le cou, les bras... Elle se sent portée, une vague de bonheur la submerge. La nuit est tombée,Vénus est devant elle. Elle sait que cette planète est dominante dans son signe, planète de l'amour. Des milliers d'étoiles brillent. Il paraît que nous avons chacune la nôtre. Et si c'était vrai, lancés que nous sommes dans cette danse du cosmos.
Elle se balance,demain elle sera libre, prête pour toute nouvelle aventure.
Plus d'attente, plus de déception. Elle laisse faire, plane, se laisse bercer par un doux et lénifiant mouvement de balancelle.
Elle se balance.
Françoise

 

 


Ecrire sur un rituel

Le plateau du matin se charge de mes trois tartines, grillées, dorées et juste un peu tièdes. Je ne peux me résoudre ni à deux, ni à quatre, le chiffre trois reste immuable.
Puis la petite casserole rouge, la plus petite de la série, se remplit d’eau à chauffer. Elle est réservée à l’usage de la préparation de mon thé car elle contient le volume exact de mon bol. Je choisis alors le parfum de mon thé, celui du touareg, thé vert du matin revient assez souvent. Ma théière en verre, patiemment attend.
J’introduis la dose nécessaire, scrupuleusement la même, chaque matin, et je savoure l’arôme développée quand je verse l’eau bouillante. L’instant est bref et subtil. Les minuscules feuilles se réhydratent et reprennent leur volume initial.
Dans le bol, une petite tranche de citron. Dans le plateau, un pot de miel tout près des tartines, une petite cuillère et la passoire, modèle réduit: il ne manque rien, je peux paisiblement m’installer dans le jardin, au soleil levant.
C’est là un moment préféré de la journée. Une pause, un silence avant l’emploi du temps, le devoir, un petit moment rien qu’à moi, en toute quiétude et je le savoure intensément.
Arlette

 

 


A la manière de Julio Cortazar… UTL de Bandol - 2010/2011

... Des instructions pour aimer...

 

Je dois vous dire que je ne commencerai pas par le début. En effet je vais supposer que vous avez déjà trouvé l’objet de votre amour, ce qui va considérablement raccourcir et simplifier ma rédaction.
Donc vous pouvez commencer à aimer, mais qu’est -ce qu’aimer ? D’abord c’est un peu posséder l’autre, donc attention à ce que vous allez dire et faire, que la personne que vous aimez ne parte pas sur le champ, ce qui simplifierait la rédaction mais ne répondrait pas à la question.
Ensuite aimer c’est renoncer à la fusion et à l’indifférence. Renoncer à la fusion, c’est évident, ne pas vous consumer dans l’instant, surtout que ces instructions sont valables pour toutes les saisons, alors l’été, rendez-vous compte… Renoncer à l’indifférence c’est tout aussi évident, là c’est plutôt un conseil pour l’hiver : c’est si agréable ce contact avec un corps à 37 degrés, qui ne brûle pas, mais réchauffe, protège du vent, et amortit le contact avec les meubles.
Enfin aimer c’est apporter la liberté dans la relation, donc ne regardez pas la télévision en même temps : vous n’avez peut-être pas envie des mêmes programmes et cela vous empêcherait de ressentir les réactions de la personne aimée. De toute façon il faudra prévoir des pauses pour les repas et pour dormir. Quoique pour dormir on peut trouver des arrangements.
Finalement aimer, c’est trouver le bonheur en faisant le bonheur de l’autre, c’est certainement la partie la plus difficile, mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas essayer. Et puis si vous loupez votre coup, vous recommencerez…
Pierre

 

 


Ecrire sur une reproduction de tableau, Centre Emilie, La Seyne sur mer, 2009/2010

Le souvenir de vacances de Jérôme, illustré par la seule photo qu’il en aurait rapportée : la représentation du célèbre tableau de Géricault, Le radeau de la méduse :

 

      Vacances à Jéricho

Je suis allé à Jéricho, j’en suis revenu médusé. J’ai fait un stage de rafting mais le moniteur du stage est tombé à l’eau, alors on a dû continuer tout seul. Sauf qu’on était perdus, en rade de nourriture. En plus, le vent s’est levé et on a eu une tempête. Là on s’est dit qu’il fallait mettre les voiles, mais ceux qui étaient restés ne savaient pas barrer. On a survécu en mangeant des rats d’eau et des méduses. Leur truc, c’était très mal organisé : on voit bien sur la photo qu’on était beaucoup trop nombreux.
C’est la dernière fois que je pars en voyage désorganisé.