Tout d’abord, apparemment, et même assurément, il a fait chaud, très chaud. Un été caniculaire comme jamais depuis 1947 disaient certains média. Une canicule à laquelle il allait falloir s’habituer puisque 2022 demeurera « l’été le plus frais du reste de notre vie ». Est-ce une formule choc des journalistes pour faire sensation ?

La réalité c’est que les incendies ont embrasé les forêts, que partout la faune a péri pendant que nous augmentions le niveau de la clim dans nos véhicules. Balade en forêt. Tout est sec, trop sec. Orages diluviens annoncés, on ne reçoit que quelques pauvres gouttes d’eau. Les arbres deviennent avides, leurs feuilles réclament de l’humidité, pompent goulûment les trop rares ondées. Partons vers des altitudes plus élevées où, au moins, nous parviendrons à dormir. Désertons l’intérieur du pays provençal pour la montagne noire. Retraite hors du monde et de son agitation. Mais ici aussi, à 1000 mètres d’altitude, on peut constater les dégâts de la sécheresse. Certains arbustes aux racines trop frêles ont littéralement séché sur pied et présentent déjà les couleurs de l’automne. Les animaux s’approchent des cours d’eau. Comme eux, nous traquons les lacs et leur relative fraîcheur : 26 degrés pour un lac de moyenne montagne. Catastrophe halieutique.

La quête de l’eau a commencé. Guerre du climat sur fond de guerre en Ukraine et de tant d’autres drames qui ont donné un goût amer à cet été 2022.
.Isabelle

 

 

 

Tout d’abord, apparemment, on allait en baver, en suer, en pleurer de chaud. Le sujet était incontournable et à la fois lassant. Envie de parler d’autre chose sans se laisser rattraper par la prégnance de la température ambiante. Envie d’échanger tout simplement le vrai du fond de nous, loin des poncifs ambiants rabâchés sur France inter dès le 5/7 pourtant épargné par la canicule. Bien étrange cette réaction qui projetait certains ailleurs, loin derrière, « Je me rappelle quand » …ou « tu te souviens ? » En fait c’est de fuite qu’il s’agissait une fuite merveilleusement emballée dans le tissu chatoyant de nos souvenirs. Jamais tant entendu les histoires de chacun sur la douceur de l’air, autrefois, quand il était petit, quand il installait dans la fraîcheur du soir son pliant, sur la terrasse aux dalles tièdes. Jamais tant entendu le rappel des maisons autrefois en Provence, quand on croisait les volets et qu’aucun bruit de climatiseur ne gâchait la sieste.

La nostalgie nous a sauvés, tous ailleurs dans nos mondes respectifs, l’œil posé en coin sur le mercure du thermomètre.
Sabine

 

 

Tout d’abord, apparemment, tout avait commencé comme d’habitude. Les journées s’étaient étirées, le soleil s’était imposé et avec lui, les cigales coutumières des étés méditerranéens. Et puis, le « trop » s’était installé : trop de chaleur devenue canicule, trop de moustiques-tigres aux piqûres aussi violentes que l’insecte est invisible, trop de sécheresse jaunissant champs et pelouses interdites d’arrosage, trop d’informations alarmantes après avoir été alarmistes, trop de feux de forêts gigantesques ici ou là, partout dans l’Hexagone et au-delà de nos frontières, sans compter les feux de la guerre, lointaine et proche à la fois, avec ces nouveaux migrants venant s’ajouter à tous ceux, désespérés en quête d’espoir, du continent africain. Cela devait durer tout l’été, heureusement ponctué de pauses bienvenues au-delà de la commune et même du département, propres à me faire oublier pendant quelque temps les inconforts du quotidien. Elles eurent aussi pour effet d’augmenter l’amer regret d’avoir décliné les invitations à me rendre en montagne, là où les nuits sont plus fraîches que les jours et où l’herbe est plus verte qu’en plaine. L’été prochain, me promis-je, l’été prochain, je ne referai pas la même erreur, quand les canicules séviront de nouveau, que les feux reprendront, puisque les humains sont décidément, définitivement déraisonnables… Indécrottables, aurait renchéri notre professeur de mathématiques en classe de 1ère ! Appliqué à notre nullité supposée en sa matière, l’adjectif nous faisait bien rire ; dans le contexte actuel, il ne me fait plus rire du tout, mais alors, plus du tout !
Claudine

 

 

   Apparemment l’été sera chaud. Déjà en Mai l’évidence est là ! Changement climatique, températures caniculaires, restrictions d’eau, sècheresse, incendies, autant de termes qui font le quotidien à la une des informations. La liste est longue pour s’enfoncer dans une morosité sans fin. En fond de ce tableau, la violence des guerres, en Ukraine et ailleurs dans le monde… un terrain chaotique pour la presse où certains se délectent. S’échapper, partir à la montagne pour un peu de fraîcheur. Que la montagne est belle ! Sous les mélèzes les campeurs apprécient chaque instant à l’air libre. Fini l’enfermement ! Les randonnées vers les sommets sont un délice. Oublié le vacarme mondial ! D’innombrables fleurs multicolores, la danse des papillons, le cri des marmottes et le chant des torrents sont maintenant sur le devant de la scène et enrichissent nos journées. Un orage imprévu, une coulée de boue assez impressionnante avec ses blocs de roche et tout le village se mobilise. Chacun est à la tâche pour déblayer la route. Quelques bavardages autour du phénomène, personne n’a trop envie de s’étendre mais chacun sait que ces décrochages de la montagne se répètent de plus en plus souvent. Ambiance solidaire, chaleur humaine, partage… on prend de la hauteur et que ça fait du bien ! Plus tard dans l’été interminable le port et le bateau qui nous emmènera sur l’île assaillie cette année. Comme ils disent à la radio, les destinations sont plus proches, moins d’exotisme, plus de simplicité. Les touristes pour la plupart restent sur la côte pour profiter de la baignade. Notre village accroché à la montagne reste calme et silencieux. Nous apercevons la mer au loin mais pas les vacanciers. La vallée au-dessous respire et nous respirons avec elle. Il y a toujours un petit vent dont nous savourons le souffle bienveillant. Les couchers de soleil sont sublimes. Peu de réseau, plus de nouvelles ! Le silence, un rapace qui tournoie dans le ciel, quelques chèvres et leurs chevreaux qui passent paisiblement, le ciel étoilé le soir, une chauve-souris au vol furtif qui se faufile d’un toit à l’autre… comme si de rien n’était.
Françoise

 

 

  CALIENTE 2022 aux Lecques Tout d’abord apparemment nous allions vers un été libéré des contraintes sanitaires de 2019, 2020 et 2021. Liberté et amitié, les retrouvailles, les routes, les trains, les avions, les embrassades, les fêtes, les foules, tout était ouvert. Les commerçants balnéaires se frottaient les mains, les plages privées se sont fait une beauté pour leur réouverture, déco de paille, de bambou et de bois exotique. L’été se présentait plein d’espoir.  Le mois de juin fut chaud, les bacheliers ont souffert pour leur révision et leurs examens. Les trains étaient remplis bien à l’avance, pas facile de trouver un billet. Il y eut énormément de monde sur les routes. Jamais la Méditerranée n’a été aussi « bonne », mais bonne pour qui ? Pour les baigneurs, les nageurs, les barboteurs, les lanceurs de balles et joueurs de raquettes. Enfin, pour les chanceux qui ont pu trouver une place de parking! Nous, la chance, on n’a que la rue à traverser pour être à la plage, donc tous les matins tôt, à l’heure des bébés tant qu’ils ont la place de construire des châteaux de sable, nous allions jouer au ballon jusqu’à la ruée de 11h. Mais les fonds sous-marins ont pâti de cette chaleur, de cette huile solaire dégoulinante des corps transpirants, des bruits de moteurs, des gaz et fuites de carburant, des remous et du saccage des ancres de la pléiade de véhicules marins. On dirait que tout est motorisé à présent, sur terre et sur mer, les trottinettes, vélos et même les planches de surf s’équipent. L’homme deviendrait-il assisté et handicapé, à chercher toujours plus de déplacements et plus de vitesse à moindre effort ? Et que dire de l’addiction au téléphone portable et aux écouteurs même pendant la baignade ? Hormis la navigation silencieuse et élégante des paddles et kayaks, des Optimists, catamarans et planches à voiles au milieu du tumulte, la baie est labourée des sillages de skis nautiques, bouées géantes, skurfs, jet-skis, hors-bords, et le ciel labouré de parachutes ascensionnels, ULM, longs courriers et hélicoptères de secours… et chaque midi, passe un bimoteur traînant une bannière publicitaire, réminiscence de notre enfance. C’était le poulet Cassegrain à l’époque, et là c’est pour la chaîne de magasins GIFI. Ma promesse quotidienne de cet été 2022 aura été de ne jamais y mettre les pieds.
Elisabeth