Textes

Des "premiers jets", des occasions de se frotter à sa propre écriture et à celle de l'autre, quelques textes écrits en ateliers...

Le Printemps des poètes 2015


 


J'attends que le jour se lève.

J'attends que le ciel se dégage.

J'attends que la vie se manifeste.

J'attends que le soleil réchauffe ma maison.

Pourquoi ne viens-tu pas ?

Je t'attends depuis si longtemps.

Ennuyée, ennuyée à attendre.

Je rêve d'action et de tumultes joyeux.

Je rêve du tourbillon des anges qui m'emmènent avec eux.

Je revois la terre, il ne faut pas que je l'oublie.

À quoi ressembles tu? As-tu seulement un visage ?
Je rêve de toi

Tout le temps.

J'écris un long poème, avec des trous dedans.

Je comble les trous

J'essaye.

Je comble les blancs.

Je comble les creux.

Je comble les cris.

Tu es comme un fantôme qui ne reviendra jamais.

Je comble ton souvenir, j'essaye.

Je ne bouge pas, je reste là.

Je regarde devant moi.
Je regarde derrière.

Je regarde devant et derrière, c'est pareil.

Tu n'es pas là.

Tu me manques.
Laurence

Nos chambres… 2014


D'après Espèces d'espaces, de Perec

Le blues de la chambre

Chambre pour dormir - Chambre pour aimer - Chambre pour baiser- Chambre pour endormir – Chambre pour consoler – Chambre pour lire – Chambre pour écrire Chambre pour grignoter – Chambre pour siroter – chambre pour rire

Chambre avec petit lit – Chambre dortoir – Chambre avec grand lit – Chambre avec très grand lit Chambre salon – Chambre maison – Chambre tente – Chambre siège – Chambre banquette Chambre cabine – Chambre tempête – Chambre refuge – Chambre froid-nuit-étoilée

Chambre conjugale - Chambre matrimoniale - Chambre partenariale Chambre avec Pierre, Paul ou Jacques – Chambre qui jouit Chambre sans Pierre, Paul ou Jacques – Chambre qui pleure

Chambre d’hôpital – chambre d’hôpital – encore – encore – encore – Chambre avec tubes – Chambre sans tube – Chambre avec télé – Chambre sans télé Chambre avec visites, fleurs et chocolats – Chambre sans visite ni fleurs ni couronnes

Chambre toute blanche – chambre souffrance et ciel noir Chambre jaune, le mystère – Chambre rouge, l’enfer – Chambre bleue avec mon amoureux Chambre tableaux, Hundertwasser, Miro -

Chambre fringues, ça c’est dingue – Chambre armoire ou armoire chambre – Chambre livres ou livres chambre

Bien sûr, je vous chambre !

Noëlle

Improvisation, rentrée 2014


Des titres de fliers de spectacle de ce festival d'Avignon 2014...

Je suis un enfant de la garde alternée. Ça offre pas mal d’avantages.

Dans mon poste d’observation, on me fichait une paix royale. Condition idéale pour une analyse de la Cie Humaine.

En vérité ma mère se mentait à elle-même. Elle se croyait heureuse avec mon beau-père, un type genre « parfait-et-modeste ». Je l’aimais bien finalement celui-là mais il était beaucoup trop gentil pour elle. Ça a fini par nuire gravement à son salut.

Elle devenait odieuse.

Sous des airs très respectueux, elle était capable de lui sortir : « Ça ne te dérange pas mon chéri si je téléphone pendant que tu me parles ? »

Un jour il a explosé, il lui a mis son poing sur son « İ » et un deuxième en plein dans l’œil.

Fini les bisous-bisous. Un café et l’addition !

On ne l’a plus revu... Dommage.

Quant à mon père... comment dire, il en avait trouvé une qui avait l’âge de ma sœur... et aussi bien balancée.

Je suis vite rentré dans sa bulle. Elle s’est glissé sous ma peau en me jouant le manège du désir.

J’étais très bien dans sa bulle. Merci Papa !

Yves

Lire


 

  Ne me demandez pas de théoriser sur la lecture, c’est mon histoire, de chair et de lait. Le livre c’est mon père et ma mère, et mes grands mères et mes grands pères. C’est le pain, le vin et le couteau. Lire, c’est comme manger, boire, dormir, nager, aimer. Elevée entre un livre et un stylo. Lire, mon refuge, ma consolation, ma référence, mon voyage. Livre nourriture, passage de savoir, livre histoire, livre document, livre rêve, poème, livre paysage, livre tourment, livre rire, livre témoin. Je lis comme j’aime, avec passion, par œuvre entière. Je digère – j’oublie, mais qu’importe, ça palpite dans mes cellules. Je garde les livres, je les touche, les ouvre. Je lis une page et tout revient. Toujours avoir un livre à vue, à portée de main. Rassurée. De Muriakami à Hugo Pratt, de Le Clezio à Molière j’ai toujours faim d’écritures.
Noëlle

Photographie Man Ray

Ecrire… à partir d’un incipit


Deux phrases de JMG Le Clézio pour démarrer:

 

J’étais dans la rue. Je ne savais pas où j’allais. Comme dans un rêve, j’entendais le bruit de mes pas. J’entendais le moteur des voitures. C’était ailleurs, c’était quelqu’un d’autre qui marchait. C’était peut être à cause de ce qui avait changé en moi, et qui était nouveau. (J. M. G. Le Clézio) .
La nouveauté c’était Annabelle. Je l’avais rencontrée pour la première fois à une réception chez des amis. Elle était belle Annabelle, mais pas seulement. Souriante, gaie, accessible… des qualités qui ne m’ont pas laissé insensible. Je n’ai pas osé l’approcher autant que j’aurais aimé.
J’ai pensé qu’elle ne pouvait être qu’accompagnée dans la vie. Quelques mois plus tard, je l’avais croisée dans la rue. Contre toute attente, elle m’avait reconnu et salué. Je m’étais hasardé à lui parler. Elle m’avait écouté en souriant puis chacun s’en était allé de son côté.
Son image m’obsède, j’aimerais tant la conquérir.
Et si elle était libre ?
Pierre

 

 

Ecrire… à la manière de…


A la manière de Dominique Sampiero...

 

C'est une belle soirée d'été. Elle est installée sur sa terrasse, allongée sur sa balancelle. Elle a rendez-vous avec l'homme qui sera peut-être l'homme de sa vie. Elle se balance, nonchalante. Autour d'elle tout embaume...les fleurs d'hibiscus, de plumbago, de jasmin. Elle est fière de ses plantations. Ces senteurs l'incitent à la rêverie.
Elle se balance, s'enfonce de plus en plus dans les coussins, tellement moelleux. Elle étale son épaisse chevelure blonde tout autour d'elle.
Elle se balance, une légère brise éparpille ses mèches folles. Un concert d'oiseaux, l'approche de la nuit les enivre aussi. Ils vont et viennent en un inlassable tourbillon.
Elle se balance. Au loin les lumières de la ville apparaissent : scintillement, éblouissement. Le ronronnement des voitures. On est vendredi soir, tout est permis. Adieu les contraintes, l'heure n'existe plus.
Elle se balance, elle se sent prise d'envie de liberté. Et s'il ne venait pas, quelle importance. Ils se sont déjà tout dit, c'est lui qui choisit... Un air doux lui caresse le cou, les bras... Elle se sent portée, une vague de bonheur la submerge. La nuit est tombée,Vénus est devant elle. Elle sait que cette planète est dominante dans son signe, planète de l'amour. Des milliers d'étoiles brillent. Il paraît que nous avons chacune la nôtre. Et si c'était vrai, lancés que nous sommes dans cette danse du cosmos.
Elle se balance,demain elle sera libre, prête pour toute nouvelle aventure.
Plus d'attente, plus de déception. Elle laisse faire, plane, se laisse bercer par un doux et lénifiant mouvement de balancelle.
Elle se balance.
Françoise

 

 

Ecrire sur un rituel


Le plateau du matin se charge de mes trois tartines, grillées, dorées et juste un peu tièdes. Je ne peux me résoudre ni à deux, ni à quatre, le chiffre trois reste immuable.
Puis la petite casserole rouge, la plus petite de la série, se remplit d’eau à chauffer. Elle est réservée à l’usage de la préparation de mon thé car elle contient le volume exact de mon bol. Je choisis alors le parfum de mon thé, celui du touareg, thé vert du matin revient assez souvent. Ma théière en verre, patiemment attend.
J’introduis la dose nécessaire, scrupuleusement la même, chaque matin, et je savoure l’arôme développée quand je verse l’eau bouillante. L’instant est bref et subtil. Les minuscules feuilles se réhydratent et reprennent leur volume initial.
Dans le bol, une petite tranche de citron. Dans le plateau, un pot de miel tout près des tartines, une petite cuillère et la passoire, modèle réduit: il ne manque rien, je peux paisiblement m’installer dans le jardin, au soleil levant.
C’est là un moment préféré de la journée. Une pause, un silence avant l’emploi du temps, le devoir, un petit moment rien qu’à moi, en toute quiétude et je le savoure intensément.
Arlette

 

 

A la manière de Julio Cortazar… UTL de Bandol – 2010/2011


... Des instructions pour aimer...

 

Je dois vous dire que je ne commencerai pas par le début. En effet je vais supposer que vous avez déjà trouvé l’objet de votre amour, ce qui va considérablement raccourcir et simplifier ma rédaction.
Donc vous pouvez commencer à aimer, mais qu’est -ce qu’aimer ? D’abord c’est un peu posséder l’autre, donc attention à ce que vous allez dire et faire, que la personne que vous aimez ne parte pas sur le champ, ce qui simplifierait la rédaction mais ne répondrait pas à la question.
Ensuite aimer c’est renoncer à la fusion et à l’indifférence. Renoncer à la fusion, c’est évident, ne pas vous consumer dans l’instant, surtout que ces instructions sont valables pour toutes les saisons, alors l’été, rendez-vous compte… Renoncer à l’indifférence c’est tout aussi évident, là c’est plutôt un conseil pour l’hiver : c’est si agréable ce contact avec un corps à 37 degrés, qui ne brûle pas, mais réchauffe, protège du vent, et amortit le contact avec les meubles.
Enfin aimer c’est apporter la liberté dans la relation, donc ne regardez pas la télévision en même temps : vous n’avez peut-être pas envie des mêmes programmes et cela vous empêcherait de ressentir les réactions de la personne aimée. De toute façon il faudra prévoir des pauses pour les repas et pour dormir. Quoique pour dormir on peut trouver des arrangements.
Finalement aimer, c’est trouver le bonheur en faisant le bonheur de l’autre, c’est certainement la partie la plus difficile, mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas essayer. Et puis si vous loupez votre coup, vous recommencerez…
Pierre

 

 

Ecrire sur une reproduction de tableau, Centre Emilie, La Seyne sur mer, 2009/2010


Le souvenir de vacances de Jérôme, illustré par la seule photo qu’il en aurait rapportée : la représentation du célèbre tableau de Géricault, Le radeau de la méduse :

 

      Vacances à Jéricho

Je suis allé à Jéricho, j’en suis revenu médusé. J’ai fait un stage de rafting mais le moniteur du stage est tombé à l’eau, alors on a dû continuer tout seul. Sauf qu’on était perdus, en rade de nourriture. En plus, le vent s’est levé et on a eu une tempête. Là on s’est dit qu’il fallait mettre les voiles, mais ceux qui étaient restés ne savaient pas barrer. On a survécu en mangeant des rats d’eau et des méduses. Leur truc, c’était très mal organisé : on voit bien sur la photo qu’on était beaucoup trop nombreux.
C’est la dernière fois que je pars en voyage désorganisé.